
L'EXPOSITION
«Dans une société que je juge frivole et légère, remplie de dogmes et d’informations insignifiantes, une plaisante obsession du sens s’est imposée à moi.
Animaux – âme – mystique – symbolique – Saint
visible – invisible – corps – esprit – verticaliser
Par ces mots riches, polysémiques, souvent sources de polémiques et d’ambiguïtés, je cherche à susciter une part de mystère, de beau et de merveilleux dans les consciences.
À réintroduire la mystique dans cette chapelle défroquée.»
crédit photo : Ève Laroche-Joubert | www.instagram.com/eve.laroche.joubert
«Look up» colonnes
Assiette rouge et peinture acrylique dorée contreplaqué d’eucalyptus & cierges de dévotion
(allumés lors du vernissage)
4,6 / 4,8 / 5 mètres | 2017
DÉMARCHE
«C’est au début des années 80 dans l’est de Montréal au Québec que je grandis. J’habitai alors un quartier banalement aménagé de connivence avec l’ordre et la monotonie qui régnèrent à la maison. De l’ennui, le dessin et la peinture émergèrent.
Par le biais de cette exposition et en symbiose avec le sujet de la mystique, j’ai eu envie de me dépasser, de me libérer de certains carcans, de me mettre à nu. Une transformation s’est opérée et, par moment, ma peinture s’est vue modifiée par une augmentation de matière. Elle a aussi flirté avec l’abstraction et s’est synthétisée pour se concentrer sur l’essentiel. Le gribouillis est apparu comme un exhausteur d’expression, de même que la tache qui apparaît ici et là, comme synonyme d’un corps subtil ou comme une sorte de retour du refoulé car elle n’est pas prisonnière d’une forme. Une sorte de rébellion d’enfance où elle était l’équivalence du désordre, de la souillure.
L’exposition présente quarante-trois nouvelles pièces, essentiellement de la peinture mais pas que. Au fil du travail, des pépites d’expérimentation ont commencé à éclore et ont suscité l’utilisation et l’interaction de divers matériaux comme le verre, la résine époxy, la mousse expansive, le plâtre d’albâtre, la cire et des cierges de dévotion. Du nouveau vocabulaire pour approfondir l’esprit ou l’autre corps, les ailleurs du corps, le corps non-visible ainsi que le corps physique, l’incarnation, la demeure de chair, les frontières de la peau.
Bien que parfois il est de mise d’accepter le mystère, je suis sensible au sens des choses. Chercher du sens, c’est une manière de se refuser à l’ennui, la répétition et l’uniformité, c’est grandir, c’est évoluer.
Je tente de concrétiser l’impalpable et de susciter une rencontre expérimentale enrichissante.
J’espère stimuler la curiosité, remettre en question des certitudes ou de captiver tout simplement.»

LA MYSTIQUE, une histoire d'expérience
L'expérience de la mystique peut être vécu dans différents contextes comme par exemple lors d'un concert de musique ou d'une balade en forêt. J'ai cependant choisi de synthétiser la Mystique selon le contexte chrétien parce que les écrits y sont un peu plus abondants. La mystique de base est donc une expérience de vivre ou de penser vivre une présence à Dieu. Dans son mode maximal, c’est une expérience d’union durable à Dieu. C’est une réalité qui échappe à la logique du discours car Dieu transcende l’homme, il est au-delà de l’âme humaine et au-delà de toutes créatures.
SOLITUDE
Bien que l’expérience mystique est personnelle, imprévisible, incontrôlable et non-programmable, elle implique généralement une mise en retrait à l’égard du tohu-bohu, de l’agitation du monde et du rituel institutionnel pour se rendre disponible à quelque chose par un renoncement progressif. Le mystique tente de dépasser les mouvements de son imagination, les mouvements de sa mémoire ainsi que la présence et l’activité de son intelligence en instaurant un dénuement, un dépouillement, une ascèse donc en vue d’accueillir une rencontre. La solitude utilisée comme voie d’accès à une présence divine qui seule peut lui donner les moyens de son accomplissement ou de son dépassement vers une transcendance qui le hisse hors de son corps, loin de la matérialité pesante du monde sensible. La solitude non pas comme fin donc mais comme moyen indispensable pour atteindre enfin ce lieu où se rejoignent joie, beauté et sérénité.
EXPÉRIENCE
Par des prières, des oraisons et autres moyens, apparaît une expérience de saisissement qui dépasse la dévotion convenue, la routine, la pratique du banal, d’abord surtout pour celle ou pour celui à qui cela arrive et puis ensuite, pour l’institution. Elle est l'âme ou le souffle de toute la tradition théologique de l'Église depuis ses commencements. Elle saisie l’essence des choses, l’essence du monde et en découle un effet radical et pénétrant, une transformation.
CORPS
Il est engagé dans la connaissance même s’il s’agit de le dépasser. Il s’agit à la fois de se méfier du corps, de le dompter, de le dresser contre ses impulsions de faire du mal, d’agressivité, de repli sur soi-même et en même temps, de s’appuyer sur lui. Le corps et l’âme font un, il ne faut pas quitter l’un pour aller vers l’autre.
LANGAGE
Une irruption surgit au-delà de tous mots.
C’est ressentir plutôt que penser,
sans les mots et avant les mots.
L’indicible.
Une expérience sans vocabulaire abandonné à l’expression du corps
qui échappe à la théologie, au savoir.
Expérience retranscrite en langage poétique,
aux sens suspendus.
TRANSMISSION
Le mystique écrit d’abord pour lui-même et ensuite pour les autres des traités de méthode pédagogique afin de se mettre en état d’atteindre Dieu mais aussi par la suggestion poétique, avec un grand usage de l’oxymore pour évoquer l’expérience elle-même. La traversée de l’expérience est solitaire mais elle amène un retour vers les autres.
Textes principalement tirés des conférences et entretiens de Ghislain Waterlot,
doyen pour la Faculté de théologie à l’Université de Genève. D’abord spécialiste de philosophie morale et politique, il s’est tourné ensuite vers l'étude de la pensée religieuse. Depuis 2007, il travaille également sur la question de l'expérience religieuse et mystique.
«Transformation sibérienne 1 • 2 • 3»
Acrylique, tissus, plâtre d’albâtre, crayon de bois vernis sur contreplaqué d’eucalyptus
120 x 200 cm | 2017




