
Je suis intériorité à part entière, je suis mon propre lièvre, je suis altérité, bondissant j’ai ma propre trajectoire, inutile de me maîtriser.
Moi aussi je vous épie, moi aussi je vous traque, moi aussi je vous piège.
Le territoire n’est pas une carte, cette carte n’est pas ce qui se passe en forêt, vous sursautez. L’invisibilité vous angoisse, la subtilité et l’impalpable vous échappe, vous ne comprenez pas le regard croisé.
Jadis nous étions en dialogue.
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«L’altérité du lièvre bleu»
Acrylique sur papier aquarelle
31 x 41 cm • 2022
«BRÛLONS NOS TONDEUSES»
Ta pelouse est hideuse. Elle est jaunie, sèche et moche, trop courte, pas assez courte, morne, dégarnie, elle est triste à pleurer, elle tue les fleurs, elle tue les insectes. Il faut souffrir d’un profond trouble obsessionnel-compulsif pour s’entêter à entretenir ce fantasme esthétique né d’une autre époque. Quelle ringardise !
Elle te quémande des engrais chimiques qui polluent à gogo les nappes phréatiques, les cours d’eau, l’air et le sol qui t’entoure. Elle gaspille l’eau potable, elle peut même boire un boyau d’arrosage qui débite 100 litres d’eau potable à l’heure. C’est l’équivalent de la consommation d’eau recommandée pour une personne pendant plus d’un an. La salope ! En plus, elle est dépendante des équipements à moteur essence et jubile lorsqu’elle entend le bruit strident et infect de l’un de ces engins. Du temps, du temps, du temps, elle t’en redemande. Elle te colle au cul comme une hémorroïde. Tu es son esclave. Regarde-toi donc un peu, quel être déchéant que tu fais.
Sois de ton époque, arrache ta pelouse et brûle ta tondeuse !
Fais un potager. Sème une prairie fleurie. Favorise des couvres-sols comme les trèfles, le thym serpolet, la menthe corse, les pâquerettes, le sédum, l’achillée mille-feuilles, les fraisiers sauvages. Ça y est, tu salives ? Tu vois toutes ces couleurs, tous ces possibles ? Des herbes rampantes. Des vivaces indigènes. Des plantes mellifères. De la mousse. De l’imagination.
Semons des fleurs, créons des îlots à nectar, à pollen, des plaisirs à observer. Soyons fasciné par tout ces mouvements de finesse, tout ces virevoltages qui s’animent sous nos yeux. Sourions.
Admirons chaque insectes, chaque oiseaux. Soyons fasciné. Soyons de petits lions libres, lumineux et fougueux qui court partout.
Inspirons-nous des pissenlits.
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«COQUELICOT»
Acrylique sur papier aquarelle
20.5 x 25.5 cm • 2022


«AIMONS LA MORUE»
Cet hiver, j’ai pris du temps pour ralentir.
J’ai pris des journées entières de temps libre à ne pas devoir sortir dehors.
Je m’imaginais au Bas Saint-Laurent, comme ça, tranquille, c’est ma tête que j’ai fait aérer.
J’ai regardé par la fenêtre, je me suis posée, j’ai peint un peu.
À grand coup d’émission «C’est fou» et de lecture audio de Serge Bouchard, j’étais bien accompagné. De par sa voix calme et rassurante, une phrase m’a interpellé : «Celui qui va trop vite est impoli.»
Rassurée de me savoir pas trop impoli, j’ai continué à peindre et à écouter ces émissions.
Au travers des haut-parleur, les idées diffuses tâtait mon esprit. Il y avait des mots comme, feu de foyer, forêt épaisse, biscuits aux brisures de chocolat, bois de grange, ours noir, carcajou, coyote. Ça à déclenché le souvenir de la fois où j’ai entendu des coyotes hurler. J’étais au club Mouski, entourée d’épinettes noires à faire du ski de fond. Je me suis arrêtée pour mieux les écouter. Ils étaient loin, ils étaient proche, je n'en sais rien. J’étais immobile mais pourtant entrain de voler. Du véridique s’échappait de ces bêtes et ébahie par tant de précision, mon coeur battait la chamade.
… Sentiment d’appartenance, demeure, vieillesse.
Ces mots dans les haut-parleur étaient évidents à mes oreilles. C’était des mots riches de sens car lucides de simplicité et où le sens des mots étaient respectés. Des mots qui stimulait mes réflexions, qu’est-ce que je désire faire naître autour de moi ? Des motivations se sont créés et d’autres devenues futiles, ont disparu. Comme le lièvre creuse son terrier, je veux aller à l’essentiel.
… Castor, caribou, morue.
Il paraît que nous vivons au pays de la Morue, c’est dur à croire !
Il paraît qu’il y avait tellement de morues que nous pouvions faire du surf de banc de morues. On pouvait marcher dessus ! Ce poisson là c’était la base de la nourriture, la profusion, l’abondance des jours maigres aussi. C’était le quotidien des familles nombreuses, la dureté de la haute mer, les odeurs, des histoires autour de la table à manger, c’était la solidité vigoureuse, les lèvres gercées et les mains creuses.
Depuis le 15e siècle, à ras bord dans le bateau de pêche, elle haït ces vandales industriels. Elle haït ce pillage de l’abondance. Ils fabriquent de la pauvreté à long terme qui génère des pêcheurs esclaves.
Des gains pour qui ? Des miettes pour qui ?
La Nature à horreur du déséquilibre et à besoin de temps pour reconstituer ses écosystèmes. Du temps. Hors l’humain lui, ne prend pas le temps.
L’humain n’a plus la patience d’un autre temps, c’est un grand impoli.
Et cet impoli n’a pas l’esprit tranquille lorsque la nuit, le fleuve crie famine.
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«LES MAINS BIENVEILLANTES»
Acrylique sur papier aquarelle
60 x 50 cm • 2022